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Les machines à coudre au XIXème siècle

2ème partie : sur l'île de la Réunion


Pourquoi cet article ?

Nous avons choisi de mener notre enquête au sujet de cet outil révolutionnaire, qui après une diffusion particulièrement rapide et mondiale, est dans les décennies qui suivent, devenue un objet de décoration présent dans beaucoup de foyers sans être utilisée.

Cette machine a pourtant réorienté le paysage de l'industrie textile et profondément changé l'industrie de la mode au XIXème siècle.

Pour vous permettre de mieux comprendre ces changements, je vous propose :

Les machines à coudre au XIXème siècle - 1ère partie : petit précis historique, en prenant en compte les évolutions majeures

- dans cet article, nous découvrons l'arrivée de la machine à coudre sur l'île de la Réunion, ainsi que les changements engendrés par ce nouvel outil

- et enfin, dans un troisième article nous explorons le même phénomène sur le territoire Belge

Quand les machines à coudre sont-elles importées à La Réunion?

Apparemment, très rapidement...en France

En effet, dès 1851, Isaac Merrit Singer, fondateur de l'entreprise américaine qui porte son nom, améliore le système qui avait été mis au point par le Français Barthélemy THIMONNIER.

Celui-ci avait inventé dès les années 1830 un procédé mécanique pour coudre. Il dépose un premier brevet en 1830, puis d’autres en 1841 et 1845, au fil des améliorations qu’il apporte à son système de roue à volant entraînant une bielle : le va-et-vient de la bielle permettait de faire descendre et remonter une aiguille à deux pointes.

Singer se démarque par son intelligence dans le domaine du marketing, et les paiements facilités et cours de couture aident la "ménagère" à acquérir une machine ainsi qu'à l'utiliser comme il faut

La firme Singer obtient un brevet pour la première machine à coudre à usage domestique et remporte le premier prix à l'Exposition universelle de Paris en 1855.

"Intérieur du Palais de l'Industrie pendant l'Exposition Universelle de 1855 à Paris", photographie, photographe non identifié, 1856
Source Gallica BNF

Et à l'Île de la Réunion ?

Certainement en 1867

Dès le moment où les machines à coudre se démocratisent en Europe, en particulier avec le modèle de Singer surnommé « New Family » qui arrive dans les foyers américains et européens à partir de 1865, on note, au moins en 1867, une importation de machines à coudre. 

Singer New Family 1865

Singer New Family

1865

Comme en témoigne le journal bi-hebdomadaire La Malle du 13 janvier 1867,

en page 4 : un arrivage commandé par A. Bonamour avec une machine à coudre


Dans le 1er numéro du nouveau journal bi-hebdomadaire, Le Courrier de Saint-Pierre, Journal de l’arrondissement sous-le-vent, Réunion, en date du 3 mars 1883,

Gallica BNF

Le courrier de Saint-Pierre

crédit © Gallica BNF

on note en dernière page - page 4-  un petit encart publicitaire pour un réparateur de machines à coudre, Monsieur Boquet.

Pour pouvoir avoir une telle activité, cela implique bien une diffusion et une utilisation suffisantes de ces machines à coudre.


Quels modèles ?

Il semble tout à fait possible qu'il s'agisse des modèles portables et fonctionnels de la société Singer, actionnés à la main, ou par un pédalier

Il peut s’agir également de machines à coudre Peugeot : la firme produit un premier modèle de machine à coudre en 1867.

Par la suite, en 1876 les modèles de machines à coudre Peugeot remportent la médaille d’or de l’Exposition universelle de Paris. Elles viennent ainsi concurrencer les machines Singer, et celles d’autres fabricants dans le monde. Les industriels exposants réunionnais - Isautier, LeCoat/Trévise, pour le sud, - y participent aussi.

Les améliorations apportées par Peugeot concernent en particulier le mécanisme d'entraînement des machines à coudre, lequel est composé d’un double pédalier. A cette époque, des plaisantins raillent l’effet douteux de ce mécanisme jugé capable de « donner des sensations par son mouvement doux et régulier ». Peugeot met alors au point l’entrainement par un plateau mobile.

Le développement de la machine à coudre est tel que, vers 1890, 8 foyers français sur 10 en possèdent une, et il semble bien qu’à La Réunion, le développement ait aussi suivi une pente ascendante.

Le métier de couturière

Après l'abolition de l'esclavage, la crainte du vagabondage et de la prostitution est grande. Aussi, oblige-t-on les personnes affranchies de se munir d'un contrat d'engagement, ou d'un livret professionnel par un arrêté du 6 décembre 1849.

Cette obligation, d'abord prévue également pour les femmes, disparaît en 1852.

Le métier de couturière se développe: c’est une bonne occasion d’ouvrir un atelier- ou de travailler chez soi -  pour les femmes, affranchi (e)s de 1848, et les engagés qui décident de rester sur l’île une fois leur contrat d’engagement expiré.

Il est vraisemblable également que les familles des grands industriels du sucre ou des grands planteurs (Isautier, K/veguen, Lesport, Nas de Tourris, Bellier de Villentroy, …) s’équipent de cet élément dernier cri, pour la confection des robes de leurs épouses, filles, et pour la réalisation de leurs costume, même si, par ailleurs, ils achètent des vêtements dernier cri lors de leurs voyages en France métropolitaine, surtout depuis l'ouverture du canal de Suez en 1869, car dès lors, les trajets se font en un mois au lieu de trois mois comme auparavant.

Un sondage dans les registres d'État-civil de Saint-Pierre - mariages et naissances -  pour l’année 1855 montre qu’un tiers environ des femmes mariées ou jeunes mères se déclarent “ couturières”.

 

Mention profession

Ainsi, par exemple, Marie-Hélène qui avait 19 ans en 1848, lorsqu’elle fut affranchie. Elle épouse par la suite Auguste JETTER, charron à Saint-Pierre.

Marie-Hélène Eauxbon a 26 ans lorsqu’elle accouche d’un joli garçon, Augustin, se déclare "couturière" à l'état civil

D'autres exemples tels que Nathalie Smith, 22 ans en 1855, couturière au Tampon.

Henriette Ganova, quasiment le même âge, exerce ses talents de couturière rue de la Plaine …

Où ces jeunes femmes ont-elles appris à coudre?

Les écoles tenues par des religieuses, - Les soeurs de Saint Joseph de Cluny, ne sont installées dans le sud de l’île que depuis la deuxième moitié du 19e siècle, donc après l’abolition de l’esclavage.

Les travaux manuels faisaient partie de l’enseignement dispensé par les religieuses. Auparavant, les demoiselles apprennent à coudre soit dans la domesticité, soit dans des ouvroirs, autrement dit des sortes d’établissements tenus par des dames patronnesses, issues de la bourgeoisie locale.