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Hippolyte Charles Napoléon Mortier, Duc de Trévise


Au fil de vos lectures, vous avez remarqué que nous faisions souvent mention d'un artiste en particulier : Hippolyte Charles Napoléon Mortier de Trévise.

Nous aimerions vous faire connaître le travail de cet homme plus en détail car grâce à ses dessins et aquarelles, nous avons des documents iconographiques qui ont servi de point de départ  à notre projet.


Les 105 aquarelles et dessins d'Hippolyte Charles Napoléon Mortier, marquis, puis Duc de Trévise (le troisième) après la mort de son père en 1869, sont conservés aux Archives départementales de La Réunion, dans un joli album-dossier cartonné, référencé 40 Fi.

Ce corpus de productions a été numérisé par l'Iconothèque Historique de l'Océan Indien, qui a gracieusement mis à disposition de l'équipe les dessins qui nous intéressaient pour ce projet de couture et de reconstitution de vêtements. Nous les en remercions très sincèrement.

L'homme

Hippolyte est né le 4 mai 1835 à Paris. Son grand-père avait obtenu le titre de Duc de Trévise en 1808, sous Napoléon 1er, pour hauts faits d'armes.

Hippolyte est le 2e enfant de Napoléon Mortier (1804-1869) -où l'on voit que le prénom de Napoléon vaut reconnaissance pour noblesse acquise-. 

Autoportrait, estimé entre 1861 et 1866

Sa carrière est flatteuse: secrétaire d'ambassade sous Napoléon III, il fut pair de France, et sénateur.

Le 23 octobre 1860, à Paris, il épouse la fille, richement dotée, de Gabriel Le Coat de K/véguen, un commerçant-planteur-industriel de l'île de La Réunion. Le mariage était arrêté de longue date: il eut lieu malgré la disparition inopinée du beau-père, en mars 1860. D'où le costume noir de la jeune mariée, Emma, sur sa mule dans l'aquarelle ci-dessous.

L'aquarelle ci-contre fait partie de la série d'oeuvres réalisées au moment du premier voyage d'Hippolyte en 1861, pour son voyaye de noces.

A l'extrême gauche sur le baudet, c'est le jeune marié, et galopant fièrement en avant de la troupe, c'est Le Coat, de K/veguen, le beau-frère. Emma est en noir, assise en amazone sur sa mule, accompagnée d'un certain Gombault "avec les provisions"

Les Mortier font un premier voyage à destination de la Réunion en 1860-1861, puis un second en 1865-1866. La Peninsula & Oriental Steam Navigation Company dessert la route maritime des Indes, avec une flotte de navires utilisant les prouesses techniques liées à  l'industrialisation, ce que ne manque pas d'observer Hippolyte C. N. Mortier.

C'est au cours de ces deux voyages que le jeune époux réalise ces délicieuses aquarelles, pleines de fraîcheur. L'aquarelle est un genre artistique qui se développe beaucoup au 19e siècle, sous l'influence anglaise. C'est un art pratiqué avec du matériel relativement simple, et surtout aisément transportable dans des terres et des colonies lointaines, contrairement à la peinture à l'huile, qui demande plus de matériel et plus d'investissement.

En voici quelques exemples, dont certaines vous sont déjà familières si vous avez lu les articles précédents
  • la Vieille (Victorine) 1866

    la Vieille (Victorine)

    1866
  • Elise !....Voilà, Madâme, 1861

    Elise !....Voilà, Madâme

    1861
  • La belle Tina, 1866

    La belle Tina

    1866
  • Lucie, 1866

    Lucie

    1866
  • Citoyen, 1865

    Citoyen

    1865
  • Cafrine avec un bébé 1861

    Cafrine

    1861
  • Bouchiana 1865

    Bouchiana

    1865
  • Bouchiana  1865

    Bouchiana

    1865
  • Bouchiana, 1871

    Bouchiana

    1871
  • Mr Bourraye, dans le jardin des Casernes, 1871

    Mr Bourraye dans le jardin des Casernes

    1871
  • Le parapluie du pauvre citoyen, 1871

    Le parapluie du pauvre citoyen

    1871

    Les talents artistiques n'empêchent pas le sens des affaires: Hippolyte s'associe à son beau-frère, Denis-André Le Coat de K/véguen, pour la gestion d'un véritable empire foncier que son beau-père avait constitué dans le sud de l'île: à lui seul, Gabriel de Ker/véguen produisait dans ses 13 usines sucrières plus de 10% de la production totale de l'île à la veille de sa mort.

    Le couple n'eut pas d'enfants.

    Il vécut à Paris plus qu'à l'île de La Réunion, dans l'entourage immédiat du couple impérial jusqu'en 1870.

    L'avènement de la IIIe République écarte le Duc de Trévise des sphères du pouvoir politique, mais pas forcément des cercles de pouvoir économique.


    L'épouse du Duc de Trévise

    Emma jeune dans l'Habitation de La Réunion

    Marie-Angèle Emma Le Coat de Ker/véguen, née en 1835 à Saint-Pierre, de Gabriel Le Coat de K/veguen, et de Anne-Marie Zacharine Chaulmet (1816-1836) sa jeune épouse.

    Nous remercions vivement Omar Enis Rockel qui a confié cette illustration, il y a quelques temps à l'équipe de Capeline. Enis Rockel avait eu l'occasion de rendre visite aux héritiers actuels de la famille K/veguen, laquelle lui a confié quelques documents et reproductions.

    Costume d'Emma au Grand Bénard, Archives départementales de La Réunion, 40FI86

    Emma, jeune mariée, en excursion avec son époux, Hippolyte Charles Napoléon Mortier, marquis de Trévise.

    Le couple est en voyage de noces à La Réunion, mais Emma est en deuil: son père, Gabriel, est mort de manière imprévue en mars 1860, juste avant son mariage.

    Elle avait perdu sa mère, dès 1836. De là, peut-on supposer, l'importance de la vieille Victorine, qui fut la "nénène" de la fillette.

    Outre la place important de sa famille sur le territoire de l'île de la Réunion, Emma occupe une place privilégiée auprès de l'Impératrice Eugénie de Montijo, auprès de laquelle elle a été introduite grâce à sa belle-soeur : la Marquise de Latour-Maubourg.


    La soeur du Duc de Trévise

    L'impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur, Franz Xaver Winterhalter, 1855

    La marquise de Latour-Maubourg

    La soeur d'Hippolyte C.N. Mortier, Marquis de trévise en 1855, s'appelle Anne-Eve Mortier de Trévise

    l'Impératrice Eugénie de Montijo

    1826-1920

    L'épouse de Louis-Napoléon Bonaparte III

    "L'impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur", peint par Franz Xaver Winterhalter en 1855, commandé par l'Impératrice Eugénie de Montijo elle-même.

    Anne-Eve Mortier de Trévise est Marquise de Latour-Maubourg par son mariage en 1849 avec César de Faÿ de Latour-Maubourg, un aristocrate de la cour impériale, chambellan de l'empereur Napoléon III, un temps administrateur du Chemin de Fer Grand Central, puis régulièrement député de Haute-Loire.

    Elle était grande, de figure agréable, avait beaucoup d’esprit, n’aimait ni le monde ni la toilette et ne se plaisait que dans son intérieur auprès de son mari, le bon César de la Tour Maubourg. Le ménage était des plus unis. La marquise de la Tour Maubourg, elle aussi, a été cruellement éprouvée. Sa fille, jeune femme charmante, qui avait épousé le comte Pierre de Kergolay, mourut en couches, un an après son mariage. Son fils, Juste de la Tour Maubourg, qui, tout jeune s’était engagé au début de la guerre dans les mobiles de la Haute-Loire, fut tué dans un des premiers combats...

    Ce tableau est une preuve de la richesse et de la position sociale privilégiée de la famille Mortier de Trévise à cette époque.


    Le travail du 3ème Duc de Trévise

    Nous avons pu constater au fil de cet article la position très privilégiée de la famille Mortier de Trévise, mais également de la famille de le Coat de Kervéguen.

    A cette époque, des personnes avec des statuts sociaux aussi élevés étaient encouragées à pratiquer une activité artistique (la musique, la poésie, la peinture, etc.) Etant donné ce qui a été décrit au sujet du Duc de Trévise, nul n'est surpris que cet homme sache dessiner et peindre, mais le sujet de son travail diffère légèrement de ce qui était attendu de l'époque.

    Prenons l'exemple d'une personne ayant une pratique artistique reconnue dans la famille de Le Coat de Kervéguen :

    Elle est l'épouse de Denis-François le Coat de Kervéguen, qui n'est autre que le demi-frère de Gabriel Le Coat de Kervéguen (père d'Emma, dont nous avons parlé plus tôt dans cet article et donc beau-père du Duc de Trévise. Ca va ? Vous suivez toujours ?)

    Adèle Ferrand est reconnue pour ses peintures, que vous pouvez découvrir notamment sur :

    Si vous jetez un oeil sur les oeuvres disponibles de cette dame, vous constaterez que ses esquisses et tableaux représentent des scènes reprenant des thèmes courants à l'époque, pour une personne née et vivant dans la bourgeoisie en métropole. Bien qu'elle ait vécu sur l'île de la Réunion, elle n'a que très peu dessiné ce qui l'entourait dans sa vie quotidienne (ou peut-être que ses esquisses ne nous sont malheureusement pas parvenues...?)

    Contrairement au Duc de Trévise, qui a pris le parti d'illustrer des personnes, des lieux, de la flore, des événements, etc. durant ses voyages.

    Ces illustrations nous intéressent particulièrement car elles nous permettent de reconstituer la vie des gens de conditions moins bourgeoises, dont malheureusement nous n'avons que très peu de documents iconographiques. En effet, faire des photos à l'époque est réservé aux personnes pouvant se le permettre, et les peintures ou aquarelles de l'époque les représentant sont assez rares.

    Nous avons également trouvé d'autres artistes avec cette vision, que nous vous ferons découvrir progressivement au fil de nos recherches et reconstitutions. Dans l'attente, je vous propose d'aller admirer la beauté de l'île de la Réunion au travers du coup de crayon du Duc de Trévise.